vendredi 5 septembre 2008

Part 4 : Chez les Chiliens

Chers/ères restophiles,

Suite à notre décevante première visite dans l’hémisphère nord, nous sommes retournés nous ressourcer dans la chaleur de l’Amérique du Sud, plus précisément au Chili. Comment pourrions-nous être déçus par la cuisine de cette Mecque de la sauce, élément essentiel à toute bonne recette de pains fourrés. Tant qu’à avoir abordé ce sujet et coïncidemment avec la rentrée des classes, est-ce qu’on pourrait me dire pourquoi ce mets n’est que populaire dans le temps des Fêtes? Il est parfait pour les lunchs des enfants entre autres mais constitue aussi, dans sa forme surgelée, un très bon obus pour calmer les ardeurs des animaux domestiques du voisinage, ces derniers se chargeant de faire disparaître toutes preuves des attaques par la suite. Alors qu’il est essentiel de toujours questionner les normes établies, voici le conseil de la semaine : Fourrez à l’année.

Vous avez probablement jusqu’ici noté l’objectivité ainsi que la retenue dont font preuve les auteurs dans leurs textes afin de laisser toute la place à l’interprétation que s’en fera le lecteur. Je tiens à vous avertir que ce ne sera pas le cas ici.

Alors que privés de rayons UV pendant la quasi-totalité de ce qu’il est théoriquement tenu d’appeler l’été, nous avons sauté sur les premières journées consécutives de beau temps pour nous réserver une petite place sur la terrasse du Canard Rouge sur Rachel, coin des Érables, offrant une table de spécialités chiliennes mais aussi argentines et mmmmmexicaines. D’emblée, le look initial du resto par ce lundi pluvieux (!!!) est suspect. La terrasse semble de fortune et est entourée de petits étendards aux couleurs du Chili, de l’Argentine et du Québec, tous enroulés autour de leur corde tels des guirlandes de fanions défraîchis d’un garage de voitures usagées dans un bled perdu du Québec rural. Mais l’ensemble se marie tout de même bien au graffiti qui occupe un pourcentage imposant de la tôle ondulée en façade. L’intérieur, à prime abord est tout aussi suspect. Personne derrière la lignée du bar, deux irréductibles chiliens y étant accoudés et deux demoiselles tout au fond qui s’avéreront se regarder un peu trop dans les yeux pour me permettre d’utiliser mes super-pouvoirs de séduction dérivés de mon statut de superstar de la critique gastronomique. Mais, comme il a déjà été maintes fois prouvé à chacun de vous par le passé, il ne faut jamais se fier aux apparences.

Des objets culturels, des photos de personnages historiques et politiques chiliens, un cadre de Tony Montana (aka Al Pacino dans Scarface) tous accrochés aux murs dans un désordre parfait, le tout enveloppé d’une musique latino un tantinet criarde dans une atmosphère sablée par le temps. On n’a qu’à cligner des yeux qu’un peu plus lentement qu’à l’habitude pour facilement jeter un regard nouveau sur une rue ensoleillée dans un climat aride par les demi-portes de garage vitrées qui nous entourent, une vision toute autre que ce merdeux lundi soir pluvieux où l’on recommence malheureusement à se questionner s’il ne faudrait pas se traîner une petite laine.

Les plats dont ont joui nos papilles gustatives toujours en manque de nouveauté sont les suivants : en entrée, soupe aux lentilles et calmars marinés dans la salsa à la coriandre et en repas principal, asado style argentin (des ribs coupées de l’autre bord) et une bavette à la chilienne, ie avec un œuf cuit dessus. (Il est à noter que contrairement à ce que mon ignorance m’a dicté de spécifier dans l’aparté sur le Robin des Bois, il n’y aurait semble-t-il nul besoin de spécifier la cuisson lors de la commande d’une bavette, celle-ci devant être de facto saignante et non accompagnée de ketchup. Je tiens à remercier nos lecteurs pour ce genre d’informations qui nous permettent de nous améliorer sans cesse pour votre pur plaisir et les rassurer que je n’en garde aucunement rancune ni aucune note dans un petit calepin noir dans mon 2e tiroir de bureau) Les portions étaient généreuses, style brochetterie grecque, servies avec montagnes de riz, de salade ou de frites. Le vin chilien était abordable et ben d’adon alors que les shooters de Pisco su l’bras l’étaient encore plus, le tout précédé d’une trempette de salsa maison en appetizer, su l’bras itou. 75$ pour deux personnes, on a trouvé ça plus que correct. Ce n’est pas de la haute gastronomie mais ça fait très bien la job.

Mais outre l’ambiance et la bouffe, c’est le proprio qui fait le charme de l’établissement. Patricio Rojas, Pato pour les intimes, est de loin le plus sympathique propriétaire qu’il nous a été donné de rencontrer. Le nom de son restaurant vient d’ailleurs directement de son nom (Pato qui signifie canard et Rojas qui signifie rouge en espagnol). Peut être n’aurions-nous pas eu droit à un service aussi personnalisé si nous n’avions été seuls dans l’établissement par ce lundi soir pluvieux. Peut être n’aurions nous pas appris que ce chilien d’origine est atterri au Québec en 1978 après avoir été remercié successivement de son Chili natal en 1973 et ensuite de l’Argentine en 1976 après deux coups d’état, ni qu’il était soudeur de métier dans le domaine de l’acier jusqu’à l’ouverture de son resto il y a trois ans. Peut être ne nous aurait-il pas décrit avec ferveur différents drinks chiliens dont le surprenant Calimucho (moitié-moitié vin rouge-Coke), ni la présence d’un band de Cueca (danse chilienne) les vendredis dans un coin de son commerce, ni la projection de films en espagnol les vendredis d’hiver. Mais nous n’aurions à coup sûr eu droit à rien de cela n’eut été d’un être des plus sympathique, intéressé à partager les petites particularités de son coin de pays avec une joie communicative. J’en ai presque esquissé un sourire… et ce n’est pas peu dire.

Notre suggestion d’activité pour le mois de septembre, le mois du Chili, est un gros party chilien organisé par Pato lui-même dans le sous-sol de l’église au coin de Rachel et Papineau le 13 septembre avec musique et repas festif. Et comme ma collègue et moi ne ménageons rien (temps, argent, nettoyeur, calories, parcomètres) pour vous pondre ces textes, il est temps de nous rendre un peu la pareille. Juste pour nous faire plaisir, nous aimerions qu’au moins un de nos lecteurs aille manger au Canard Rouge d’ici la fin septembre et nous envoie une photo de sa personne en compagnie du proprio à restodelbouzo@gmail.com. Nous les introduirons dans la chronique sur le blog, n’ayant gardé aucune preuve de notre passage dans ce merveilleux restaurant.

Qui sait, peut-être que son histoire constituera un actif important advenant un coup d’état ici même portant les souverainistes au pouvoir et sécessionnant le Québec comme la voie référendaire s’est avérée jusqu’ici peu concluante. Quand les habitants de Westmount, les auditeurs de Radio-Canada et les gens dont le rouge est la couleur préférée seront déportés, ils pourront songer à Pato et se lancer dans la restauration dans leur pays d’adoption et y jaser de poutine et de tourtière, de la 50 pis du caribou ainsi que du Canadiens et… encore du Canadiens, arborant fièrement la ceinture fléchée et des raquettes en babiche, postés devant une pancarte SO-SO-SO…

Canard Rouge

2150, rue Rachel est
514-529-8686

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Intéressant... Je sais que tu as beaucoup de goût Gen, alors je vais me fier sur toi maintenant, du fond de ma banlieue!!! Édithxx

Anonyme a dit…

merci mamme lauzon! Tu me donneras des nouvelles de tes découvertes!
Gen